Heureusement, je ne suis pas seule. La pression monte, les angoisses aussi, surtout au moment de franchir la fameuse porte de la chambre des parents, je ne veux pas être envahi par les émotions, même s’ils sont compréhensibles. La tristesse est palpable partout dans cette pièce, j’ai du mal à trouver des mots, mais je sais qu’il n’y a pas de mots dans ces moments-là. J’avais beaucoup d’appréhension pour cette rencontre, mais les choses se font naturellement.
Malheureusement, Aurélie doit partir pour une urgence et elle me demande si je reste pour faire les photos toutes seule ou si elle demande à quelqu’un d’autre de venir. Je suis là, je reste, j’ai déjà fait le chemin dans ma tête, je me suis déjà préparée depuis des mois, je ne peux pas et je ne veux pas faire marche arrière, même seule, même dans la morgue. Je veux créer un souvenir pour ces parents. Donc je le ferai, peu importe mes angoisses, j’y vais. Je découvre ce petit corps, je ne peux pas dire que c’était un moment de plaisir, je ressens beaucoup de colère et de tristesse. Je ne pensais pas ressentir de la colère et pourtant, je suis en colère face à une vie qui ne demandait qu’à vivre. Mais, je sais que je suis là où je devais être, avec lui et maintenant. Je ne suis pas seule, non, je suis avec lui, je lui parle comme avec tous mes nouveau-nés pas de différence pour lui. Ses mains, ses pieds, ses cheveux et surtout son doux visage si paisible. Ils sont dorénavant dans mon appareil, ils ne sont pas qu’un souvenir, il est réellement là, ce n’est pas que des mois de grossesse, c’est lui, et il existe. Après avoir fait mes photos, je le remets dans son nid d’ange, et je repars pour une nouvelle épreuve, la chambre des parents.
Je remonte donc dans la chambre, je lui offre le petit cœur de l’association avec lequel j’ai fait les photos, elle était très émue du geste et m’a remercié énormément. Ce n’était pas grand-chose et pourtant… Je lui demande si elle désire voir quelques photos de son petit prince, elle accepte et elle le trouve merveilleusement beau. Quelle mère ne trouve pas son enfant beau ? Elle remplit le formulaire de l’association, me voilà donc à la fin, je lui souhaite encore énormément de courage, car je sais que du courage elle en aura besoin. Je n’enlève pas sa peine, mais je sais que j’ai réussi à lui donner une image plus positive de son enfant.